(critique du film Le Redoutable de Michel Hazanavicius)

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Après The Search, film de guerre larmoyant et raté qu'il avait présenté à Cannes mais que j'avais vu lors du Festival Lumière 2014, Michel Hazanavicius  est revenu en cette année 2017 en grande forme en adaptant le roman d'Anne Wiazemsky Un an après, qu'on avait présenté lors de sa publication en 2015 .
Michel Hazanavicius a eu le courage de revenir affronter la Croisette avec Le Redoutable, en sachant qu'en bousculant la statue du commandeur qu'est Godard, il allait se prendre une volée de bois vert de la part de cinéphiles forcément outragés qu'on puisse  égratigner le maitre.
Personnellement, j'ai vu le Redoutable, sorti mercredi dernier, au mois de juin avec le Festival Première Vague du Comoedia  et c'est peu de dire que j'ai été sous le charme de son portrait  à la fois doux, drôle et amer des années maoïstes de Jean-Luc Godard, alors qu’il vivait sa romance avec sa muse Anne Wiazemsky.
Comme dans le livre, on y voit Godard, joué par un Louis Garrel très en forme et vraiment  formidable,  bien fidèle à l' image qu'on peut se faire de lui : extremement cérébral , cinglant, torturé, colérique,Visionnaire,  Surprenant, manipulateur  exigeant, possessif  mais  aussi  et surtout profondément amoureux, malgré les différences de points de vues et d'âge entre les deux membres du couple.
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Car en effet ce qui m'a emballé dans la Redoutable, c'est qu'en plus  d'être une belle radioscopie de la  France de mai 68  le film  raconte, sous un ton en apparence badin et frivole à la fois l'érosion d' une histoire d’amour - on ne quitte pas le regard d'abord passionné puis déçu d'une Anne joué par la sublime et mutine Stacy Martin- et la survie d’une artiste en situation de crise idéologique.
Loin de faire le procès  façon bête et méchante de  Godard,  comme les médias ont eu tendance à le juger, Michel Hazanavicius  nous présente des faits qui existent  dans le(s) livre(s) d’Anne Wiazemsky et  laisse au spectateur le soin d'apprécier ou non l'homme et l'artiste à l'aune de ses propres valeurs.
Même en nous montrant un Godard parfois odieux et masochistes, on voit bien à quel point le réalisateur emblématique de la Nouvelle vague aura profondément marqué l'industrie en son temps et est devenue une source d'inspiration pour beaucoup de cinéastes à venir .
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Mais loin de  limiter l' intérêt du film aux cinéphiles purs et durs qui connaissent leur Godard illustré sur le bout des doigts,  le film d' Hazanavicius réussit une oeuvre à plusieurs lectures, aussi érudite que populaire, dans laquelle  chacun pourra y trouver son compte.
Les dialogues sont particulièrement brillants, cinglantes et jouissives - " « Je n’aime pas les vieux, alors quand je me sens vieux, je ne m’aime pas », accompagnés de ce  regard caméra qui faisait la force  du cinéma de Godard du temps de sa splendeur, avant le coté Hara kiri des années 68-69 que le film décrit parfaitement . Hazanavicius  utilise les références du cinéma de Godard,  pour des séquences de  mise en abîmes  jubilatoires qui s'adresse directement aux spectateurs, et cette symbiose entre la forme et le fond constitue une des grandes réussites de ce brillant film.
Aussi drôle qu'émouvant, cette tragi comédie bien mieux qu'un simple biopic mérite bien mieux que son accueil très tiède sur la croisette  et mériterait un très beau succès en salles, autant que The Artist ou OSS 117, aussi réussi dans des genres différents .