L’île aux pères : A la recherche du père perdu – Théâtre 13 (Paris)
/image%2F1371318%2F20241008%2Fob_87b432_capture-d-ecran-2024-10-08-a-11-13.png)
Le théâtre est lieu de réparation, d’expériences qui touchent au plus profond de nous-mêmes… Le chemin vers la salle est quadrillé, les pancartes rose et verte nous guident vers cette minuscule place ouverte sur les hauts immeubles de la rue du Chevaleret, comme si l’exploration avait commencé. Bingo, le premier point de recherche se situe hors les murs sur cette place. Trois hommes se lancent dans un concours de qui est le plus fort. Celui qui garde l’équilibre le plus longtemps, celui qui lance le plus loin et enfin celui qui imite le mieux le père qui part. Ce dernier laisse bouche bée pour la suite autant dans l’audience que les personnes extérieures à ce moment.
De retour dans la salle, ces hommes redeviennent garçons : ces trois performeurs convoquent leurs super-héros, pour ne citer qu’un Spiderman qui perd ses deux pères. Le plateau se mue en un espace de jeu avec costumes et jouets éparpillés. La frontière du réel et jeu se trouble quand les souvenirs de dîners de famille, des cours de sport collectif réapparaissent. Florian Bessin, Julien Moreau et Thibault Villette se replongent dans leur enfance, miment cet archétype du bon père de famille aux expressions dépassées, mains sur les hanches, prêt à faire voler ses enfants juste avant le coucher. Le stéréotype fait rire la salle fort, eux aussi. Puis ce même patriarche en vient à humilier son fils devant un stade entier parce que « pas assez fort », le rire devient glaçant.
Ces instants les font se replonger dans leurs blessures d’enfance, leur relation au père inexistante, violente, rythmée par les conflits de masculinité. Ils se donnent pour leur création, expiée de tous les mécanismes de virilité stéréotypée. Tout cela dans un seul but : trouver cette île aux pères, ceux absents, morts ou partis, présente au large de la Normandie. Liza Machover fait appel à la pluridisciplinarité de ses trois comédiens - théâtre, cirque, danse- qui recroisera les pistes et les coordonnées sur cette longue carte scintillante en bord de scène. On peut penser à la fantastique performance de Julien Moreau sur I want to break free de Queen, permettant de décrocher une coordonnée.
Sur cette île dont on ne revient presque jamais, les hommes apprennent à dire je t’aime. Ce conte touche à mesure que nous apercevons les rives insulaires, l’attente mue dans le silence. Au bout de l’exploration, nous public ne pouvons en rester là. La scène se déploie avec les ateliers aux quatre coins, nous invitant à remuer les souvenirs lésés dans nos esprits. Peut-on se réconcilier avec eux en écrivant une lettre à nos pères ou en laissant tourner les chansons de notre enfance ? Il n’y a pas de réponse correcte, seulement des larmes qui montent et un cœur qui se serre au fur et mesure de la balade.
Liza Machover met le doigt là où ça pique avec cette Île aux pères, reflet des dégâts du patriarcat sur la société et ses enfants ; l’absence des pères devient fait sociétal loin de toute individualisation de récit de vie. Et c’est un coup de cœur (et dans le cœur) !
/image%2F1371318%2F20241008%2Fob_103b24_capture-d-ecran-2024-10-08-a-11-13.png)
Crédits photos : Adèle Le Menelec Robert
L’île aux pères
Écrite et mise en scène par Liza Machover, Florian Bessin, Julien Moreau, Thibault Villette
Interprété par Florian Bessin, Julien Moreau, Thibault Villette
2h
Théâtre 13 – Bibliothèque (Paris 13ème)
du 23 septembre au 4 octobre 2024
Théâtre du Point du Jour – Lyon
du 29 janvier au 1er février 2025