BRÛLE LE SANG : Interview du réalisateur Akaki Popkhadze
Brûle le sang du franco géorgien Akaki Popkhadze est sorti il y a maintenant deux semaines.
On l'a énormément aimé, mais malheureusement, dans le flux des sorties hebdomadaires, il n'a pas forcément trouvé la place qu'il méritait. ( 24 000 entrées la première semaine, pour un fin de carrière proche des 50 000).
Son réalisateur nous a contacté pour échanger autour de son film. C est si rare que cela fonctionne dans ce sens qu'on a pu que répondre favorablement à sa demande.
Assurément, on ne l'a pas regretté tant Akaki Popkhadze avait envie de défendre son projet bec et ongles :
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Les deux je dirai ! C’est l’accomplissement d’une très grande envie de cinéma. D’une très grande envie de passer dans la cour des grands si je puis dire. C’est également j’espère le début d’une aventure dans laquelle je pourrai m’épanouir en tant qu’artiste et artisan.
Une aventure dans laquelle je pourrai réaliser d’autres films durant ma vie.
Je ne sais pas du tout si ce parcours sera « long » mais je l’espère beaucoup.
La sortie du film c’était une période très excitante, stressante, j’étais très fier et en même temps j’avais peur du regard des autres, du regard des spectateurs, de la critique, du « milieu »
J’étais rempli d’émotions très ambivalentes et changeantes tout au long de cette période.
Je ne sais pas si c’était incontournable mais dans tous les cas c’était très confortable.
Je me sentais moins vulnérable vu que j’évoluais sur un terrain connu.
Pour un premier film je pense que c’était le bon choix.
Exactement. Le polar français (des derniers années) évolue souvent sur fond de trafic de drogue. Et du coup son intrigue se déroule à Marseille ou en île de France.
Dans la communauté maghrébine, africaine ou corse.
En ancrant l’histoire à Nice et dans la communauté géorgienne on savait qu’on tenait un point d’originalité alors qu’on se place dans un genre déjà « vu ».
Nice est une ville que j’admire et affectionne particulièrement. C’était important pour moi de placer l’histoire à Nice.
J’y ai fait toutes mes études, mes courts métrages et mon 1er long métrage. J’en suis fier. Je voulais montrer une ville à hauteur d’hommes, comme nous la voyons nous, leurs habitants.
D’où la camera à l'épaule en mouvement perpétuel et à la hauteur de l’axe des yeux.
Derrière les palmiers, plages et hôtels il y a multitudes de vies et de gens simples avec des histoires, des drames, des problèmes. Je voulais aussi montrer que Nice n’est pas qu’une ville touristique.
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J’aime beaucoup les films de genre « criminel ».
Ce genre de films (de mafia, de gangster, de crime, polars) permettent d’explorer la noirceur humaine.
De montrer la laideur de ce monde. Je préfère que le crime soit sur scène que dans la vie des gens.
J’aime pas les films « thérapie » ou les « feel good movies », d'autres le font très bien ce cinéma là, mais ce n'est pas ce qui m'inspire en tant que cinéaste..
Il faut effectivement beaucoup préparer et répéter. C’est en étant le plus préparé possible que vous pouvez répercuter sur un imprévu. Dans un long plan ou plan séquence « la vie » vient toujours s’immiscer d’une manière ou de l’autre.
Il faut être très préparé pour pouvoir capter ces interventions du « réel ».
Je suis heureux parce que j’étais entouré d’une équipe technique et artistique très professionnelle et très impliquée.
Le résultat que vous voyez à l’image est obtenu grâce à eux.
Je n’ai jamais réfléchi à cet aspect du film sous cet angle. Je pense que cette histoire ne nécessite pas d’un personnage féminin en plus.
Pour moi c’était très important que la mère soit le seul vrai personnage féminin de l’histoire.
J’ai grandi dans un milieu principalement masculin, la seule figure féminine à laquelle je pouvais me raccrocher était ma mère.
C’est pourquoi, dans le film, le personnage féminin le plus important est une mère.
Le fait qu’elle soit la seule femme augmente encore plus son importance.
Peut-être qu’il y a 20 ans j’aurai tout simplement pas eu à répondre à ce genre de questions mais ce n’est pas forcément positif.
Ce qui se passe dans le monde de cinéma concernant la libération de la parole des femmes est une bonne chose. Les choses changent, évoluent, je respecte profondément ça.
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La subjectivité du spectateur n’a aucune limite.
Quand je « fabrique » le film je ne peux pas me permettre de penser à cet aspect de l’œuvre. (même s’il existe et il est important)
J’ai des sujets qui me torturent comme : la famille, la violence, la Foi, (qu’on retrouve dans le film). Je dois essayer de m’en libérer en créant une poésie visuelle , en créant des images.
Une fois ces images projetées, elles appartiennent un peu à chaque spectateur ou spectatrice.
J’espère qu’ils- ou elles- en feront bon usage.
J’ai écrit tous mes court-métrages avec Florent que je connais depuis longtemps déjà. Il en est également acteur.
Sur Brule le sang il était d’abord co-auteur du projet. Nous avions envisagé d’autres comédiens pour le rôle de Tristan mais je n’arrivais quand même pas trouver la bonne personne.
Un jour Florent m’a proposé de venir passer le casting.
C’est à ce moment qu’une évidence s’est imposé dans mon cerveau : qui d’autre que lui pouvait incarner le personnage ? La réponse était simple : personne.
Nous avons voulu faire les choses dans les règles de l’art.
Florent a passé toutes les étapes de casting et a prouvé à tout le monde que c’était la bonne personne pour endosser ce rôle.
Pour des raisons évidentes de financement et de production je savais très tôt que les personnages ne pouvaient pas être joués par des acteurs géorgiens. Nicolas est parfait dans ce rôle !
Grand merci à lui de m’avoir fait confiance !
Et à Florent aussi bien sûr. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps de préparation, car Nicolas était prévu sur un autre projet avant de venir sur notre tournage, il a dû apprendre quelques mots très rapidement.
Florent a eu plus de préparation et il a effectivement suivie des cours de Géorgien.
Oui ! La question de savoir comment on montre la violence a été longuement débattu avec le producteur, les acteurs , le chef opérateur et surtout avec moi-même !
Nous avons fait le choix d’aller dès l’ouverture du film dans une violence assez explicite pour créer une émotion et une attente pour la suite.
L’attente d’un déferlement de violence durant le film mais qui n’arrive jamais vraiment. Pas au même degré qu’au début en tout cas.
En général nous avons fait le choix d’avoir une violence suggérée pour jouer sur l’imagination du spectateur.
J’aime pas quand la violence est esthétisée et rendue « cool » à l’image.
Ma mère est professeure de piano dans la vie. J’en ai aussi pratiqué dans ma jeunesse.
Le piano fait partie intégrante de ma vie. Je pense que la musique dans le film est le meilleur moyen de dévier de la violence et d’emmener le film vers une dimension poétique.
Dans tous les cas c’est comme ça que nous avons essayer de contrebalancer la violence.
Le titre n’est pas tiré de la religion.
Il est un extrait d’un poème de Nazim Hikmet. Il en est inspiré plutôt.
C’est pas une citation directe. Voici le l’extrait de poème :
« Si je ne brûle pas
si tu ne brûles pas
si nous ne brûlons pas
comment les ténèbres
deviendront-elles
clarté. »
Pour nous, avec Florent, c’est une métaphore du chemin qui est sinueux et douloureux pour le personnage principal.
Tristan doit passer par des épreuves douloureuses pour espérer retrouver la paix intérieure.
Je pense que je referai des films dans ce même genre mais le prochain projet m’emmène effectivement ailleurs, loin de la communauté géorgienne et de la ville de Nice.
Je développe avec Adastra films (Sébastien Aubert et Leslie Jacob) à la production et toujours Florent Hill à la co-écriture un film d’action dans le milieu de l’espionnage sous fond de tension géopolitique
! Pour l'instant impossible d'en dire plus mais j'espère vraiment que ce projet se concrétise rapidement j'ai encore tellement faim de cinéma !!
Brûle le sang d’Akaki Popkhadze avec Florent Hill, Nicolas Duvauchelle, Finnegan Oldfield, Denis Lavant… 1h39.
Actuellement en salles