Entretien avec la réalisatrice Camille Perton pour le film Les Arènes
Trois mois après « Mercato », de Tristan Séguéla, la jeune cinéaste lyonnaise Camille Perton signe à son tour un film documenté et offensif sur l'univers du ballon rond.
Particularité de ce film : Les Arènes: ne montre ni matchs ni entraînements, mais brosse le portrait de ceux qui gravitent dans le milieu du ballon rond.
Par une mise en scène humble, loin du bling-bling habituellement associé au football, elle explore l'antichambre du monde professionnel.
Un parti pris qui lui permet de s'écarter des poncifs, pour explorer une zone grise où l'innocence se heurte au cynisme.
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Entretien avec une jeune cinéaste passionnée de foot et de cinéma.... Et lyonnaise de surcroit.
Au départ, c’était vraiment de la curiosité personnelle. Je suivais le foot à Lyon, ma ville de coeur, mais je ne connaissais pas du tout ce milieu.
Ce sont les histoires de dingue que je lisais qui m’ont donné l’envie d’en faire un film.
Ma curiosité venait justement de l’opacité qui y règne, et sur l’absence de témoignages concernant les joueurs qui sont confrontés au grand saut dans l’élite, ce que ça implique pour eux, et comment ils arrivent à rester eux-mêmes, dans un milieu autant gouverné par l’argent.
La fiction pour moi, c’est avant tout le droit de s’inviter dans des endroits où l’on n’aurait pas accès en principe, et de revendiquer un regard là-dessus.
Tout d’abord, le milieu du football reste énigmatique pour beaucoup de monde.
Il regorge d’histoires tragiques et incroyablement romanesques, et devient ainsi un vecteur de fictions !
Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un sport, c’est un phénomène de société ayant pris une dimension stratégique et géopolitique.
Les agents sont des personnages passionnants parce qu’ils sont des figures importantes de cette industrie, ils transgressent les classes sociales tout en portant des costumes parfois trop grands pour leurs épaules.
Mais j’estime que le véritable sujet de mon film concerne le destin des jeunes joueurs et la séduction justement entreprise par les agents.
J'aime à croire qu'au dela du portrait des milieux des agents de joueur, que les rouages du football intéressent énormément les spectateurs d’aujourd’hui.
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C’est le parti pris totalement assumé de cette histoire.
Ce n’est pas un film sur le sport mais un film sur l’argent, l’amour, la loyauté.
J’ai pris le parti dès l’écriture de ne pas montrer de match car le film parle du fait qu’une carrière se joue aussi en dehors du terrain.
On peut être un bon sportif et, pourtant, se prendre les pieds dans le tapis.
L’idée était donc de raconter ce qui se passe une fois que les caméras sont éteintes et que le match est terminé.
La dramaturgie ne répond pas forcément à une logique sportive.
Ce n’est pas un film sur le football, mais qui se déroule dans le milieu du football.
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Complètement. L’OL et son centre de formation, c’était complètement crédible pour installer un jeune joueur de foot qui devient l’objet des convoitises de grands clubs. Mais j’ai aussi un rapport familial avec cette ville comme le personnage de Mehdi.
Je suis née à la Croix-Rousse, et j’avais à cœur de montrer des visages contemporains de cette ville, des endroits peut-être moins vus au cinéma.
Que ce soit pour le plan d’ouverture, Gerland, même si on n’avait pas besoin de tourner au stade, la Duchère ou l’amphithéâtre de Fourvière…
J’ai vraiment écrit le film pour ces décors, spécifiquement. Écrire pour des décors réels, ça permet d’être extrêmement précis sur ce que je raconte, notamment sociologiquement.
J’ai donc eu un vrai soulagement quand Auvergne-Rhône-Alpes cinéma a choisi de soutenir le film. Ç’aurait été vraiment très difficile pour moi de transposer l’histoire ailleurs.
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Tout le monde sait que le milieu du football est très masculin. Personnellement, ça ne m’intéresse pas beaucoup de montrer des rivalités entre les joueurs.
Dans le film, le désir survient d’un coup dans la vie de Brahim et lui ouvre des horizons inattendus lorsqu’il rencontre Francis. C’était important pour moi d’écrire un personnage homosexuel, en dehors des clichés attendus sur les personnages d’agents
. Francis est quelqu’un de très puissant, qui s’autorise à vivre pleinement sa vie, à être celui qu’il est vraiment. C’est cette idée qui attire Brahim, et pas le luxe du milieu, contrairement aux apparences.
Dans le milieu du football professionnel, la tentation est grande de prendre des raccourcis.
Il y a tellement de pression. Tout peut s’effondrer si rapidement que, parfois, on a envie de suivre l’agent qui nous amène à signer un contrat pro rapidement.
Un personnage comme le cousin montre qu’il peut obtenir les mêmes choses que d’autres agents plus puissants, mais que cela prend plus de temps.
Or, les footballeurs n’ont pas le temps car leurs carrières sont si courtes. J’avais donc à cœur qu’on ne juge pas le personnage de Brahim. Il fait des choix rationnels.
La vie est une affaire de choix et, parfois, on en fait sans machiavélisme, avec de bonnes raisons, mais ils ont des conséquences. Le foot représente une situation impossible à gérer tant le potentiel d’ascenseur social est vertigineux.
C’est trop complexe de rester vertueux dans un milieu comme celui-ci, avec un système si écrasant.
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Surtout pas !
Le foot peut faire peur aux spectateurs de cinéma, je le sais bien, mais Les Arènes s’adresse autant à des amateurs de foot qu’à des spectatrices de cinéma plus classiques qui se laissent surprendre par l’enjeu.
Notre défi, c’est de faire venir les gens jusqu’à la salle de cinéma. Je l’ai vu lors des avant-premières.
Une fois que les gens sont dans la salle, on a vraiment des très bons retours !
C’est la récompense qui va durer je l'espère encore quelques semaines ( rires) .
Les Arènes de Camille Perton (Fr, 1 h 34), avec Iliès Kadri, Sofian Khammes, Édgar Ramírez, Lorenzo Zurzolo, Grégoire Colin…
Sortie le 7 mai 2025.
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Ces photos ont été prises sur le tournage du film LES ARÈNES de Camille Perton en septembre 2023 à Lyon.
Photographe : Emmanuelle Firman