Place Publique : du Bacri/Jaoui façon Canadra Dry
Cinq ans après leur dernière collaboration pour le film Au bout du conte, le duo Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri - qu'on peut fusionner comme on veut en Bacroui ou Jabac - était de retour en cette année 2018 pour le très attendu - du moins par les fans- Place Publique, cinquième long métrage réalisé par la première.
Pour cette comédie chorale présentant de plusieurs personnages rassemblés dans un lieu unique à l’occasion d’une fête, le duo mythique d'un air de famille et "du gout des autres" brocarde comme à leurs habitudes les travers de notre société contemporaine autour de thèmes aussi divers et prometteurs sur le papier que le choc des cultures, les privilèges , la célébrité née des réseaux sociaux, le désir des hommes pour les jeunes femmes, les limites de l'autofiction et les émission de télévisuelles glauques à la Ardisson.
Si ces thèmes ont déjà été traités par Bacri et Jaoui dans leurs quatres films précédents et scénarios où ils ont collaboré ( ah Resnais, oh Kaplish), on se réjouissait d'avance qu'ils soient abordés avec le même regard aussi cinglant que profond dont ils ont toujours fait preuve .
En effet, Bacri et Jaoui ont toujours réussi à partir de clichés et d'archétypes pour des réflexions drôles et subtils avec des personnages plus fins qu'ils en ont l'air de prime abord, le Castella joué par Bacri dans le gout des autres étant un bon exemple...
Patratras, avec ce "place publique", on a l'impression que les Jabac ont perdu tout leur style, on a même un peu l'impression d'être devant un canada dry : ca a la saveur d'un Bacri Jaoui, l'apparence d'un Bacri Jaoui mais ce n'est pas un Bacri Jaoui ou en version light et vraiment aseptisée ...
Reconnaissons cependant que certaines répliques gardent une certains prestance et peuvent faire aisément (sou) rire, mais comparé à leurs précédents films, l'écriture, qui était le vrai point fort du duo semble sérieusement en panne : la mécanique humoristique patine sérieusement- les voisins paysans qui font que raler, le cuisinier slave que personne ne comprend, la voiture de Bacri rayée: tout ou presque semble archi prévisible et convenu dans les situations et même dans les relations entre les personnages qu'on a vu des centaines de fois et souvent en mieux.
Impossible notamment de ne pas penser au Sens de la fête des Toledano Nakache (il parait que la sortie de place publique fut reportée pour ne pas faire coiencider les deux films qui se ressemblent énormément)
Dans les deux, on a la même unité de temps de lieu ( une soirée de fiesta) et le même acteur principal au milieu mais hélas la comparaison ne plaide pas du tout en faveur de place publique tant le sens de la fête était bien plus réussi à tous les niveaux ( en terme de mise en scène, d'écriture, de répartie drôle et même niveau interprétation) et surtout dégagait un optimisme que place publique, au ton amer voire aigri exhale sans cesse .
Dans Place publique , Bacri - à qui la moumoute ne va décidement pas (dans le pas terrible grand froid il en arborait aussi) fait du Bacri mais en moins bien, les youtubeurs n'ont vraiment rien dans le crane et pensent qu'au blé, les animateurs de TV complétement désabusés, les provinciales ne pensent qu'à faire des selfies, les humanitaires sexagénaires a priori bien sous tout rapport ne pensent qu'à coucher avec des filles de 20 ans et les autres sont tous cyniques ou désilusionnés...
Bref, n'en jetons plus :l'empathie et la tendresse que conservaient Bacri et Jaoui pour les personnages de ses films précédents ont (presque) complétement disparu, et du coup difficile d'aimer plus les personnages que leurs auteurs n'arrivent à le faire..
Bref, ce "Place publique", comédie anodine et vite vue vite oubliée rend assez triste et désabusé (presque autant que les personnages du film), surtout quand on cherche en vain cette patte "Jaoui-Bacri " qu'on a tant et tant aimé..
.Espèrons dès lors que le duo reviennent vite avec des nouvelles bien plus agréables..