Baz'art  : Des films, des livres...
11 avril 2019

5 questions à Eva Trobisch, réalisatrice du film "Comme si de rien n'était "

 

eva

Quelle est la génese de votre film "Comme si de rien n’était ?"

En fait, le film a été réalisé dans le cadre de ma dernière année d’études à l’école de cinéma de Munich.

Au tout départ, mes protagonistes étaient deux personnages secondaires du film (Robert et Sissi) , Janne n'était qu'un personnage secondaire.

Ce n'est qu'après avoir pris une année sabatique, après ma grossesse et mon accouchement, que j'ai changé la perspective et j'ai décidé de prendre Janne comme personnage principal et j'ai donc tout réécrit.

Je voulais parler d'une une femme moderne, éduquée, qui assume et revendique  le droit d'être qui elle veut, de ne pas être contrainte par quoi que ce soit ou qui que ce soit.

Je voulais me poser la question à la fois de la force et des limites  de cette  auto-détermination, qu'elles  soient physiques,  sociales ou émotionnelles.

Ce film a été assez  difficile à faire, car la plupart des financiers ne comprenaient pas bien  mon approche et nos moyens étaient  très limités .

  Pour vous, c'est quoi le sujet principal de votre film, le viol, et ses conséquences sur la vie de votre héroïne quand celle ci va décider de le nier?

Non, ce n'est pas cela pour moi  : Comme si de rien n’était n’est pas un film sur le viol ni sur le déni. 

  Quand il se passe cette scène que j'ai voulu totalement dédramatisée, filmée comme un non événement, comme quelque chose de minable, pathétique,  Janne  n’est pas en train de se dire : j"’ai été violée mais je  m'en fous, je vais nier cet état de fait", c'est bien plus implicite que cela.

Janne  prend  simplement cette  décision de ne pas laisser quelques minutes, de ce qui est une relation sexuelle contrainte et désagréable,  prendre l’ascendant sur toute sa vie et c'est cette décision qui va la mener là où ca va la mener ( sourires)..

 Le film tombe en plein débat #meetoo c'est une chance ou une disgrace à vos yeux ?commesi_affiche

Cela dépend des jours ( rires) : vous savez, , j'étais en plein montage lorsque #meetoo est arrivé et j'avoue avoir eu un peu peur que désormais mon film ne soit plus analysé que comme cela, ce qui est d'ailleurs  un peu le cas.( sourires)

En même temps, je trouve que mon film apporte une vision  qui manquait un peu au débat mais je regrette quand même un peu,  qu'on ne me pose des questions que là-dessus et pas sur le contenu du film en lui-même.

C’ est assez compliqué  pour moi d’être soudain placée en experte #MeToo.

J'avoue que je préfererais  qu'on regarde tous les personnages comme un ensemble de gens victimes d'une société qui les enferme dans un statut particulier.

Après concernant #Me too proprement dit, évidemment que le  fait que la parole ait été libérée soit positif, toute révolution est forcément salutaire.

Cela étant dit, la tournure que le débat a pris, cette opposition très manichéenne entre les mauvais hommes et les pauvres femmes,  ne me semble pas être la bonne solution. A à mon sens il est plus utile de  retrouver une liberté ensemble et non pas dans l'affontement .

Ce qu'il faut vraiment dire aux spectateurs, c'est que mon film  n'est pas du tout un film à thèse sur un sujet de société, en tout cas je ne l'ai pas du tout voulu ainsi: le violeur n'est pas un horrible type sans scrupules et Janne n'est pas une petite ingénue sans défenses, c'était vraiment pas ce que je voulais faire.

comme si de rien

Votre comédienne principale Aenne Scwartz est formidable, on la connait peu en France,  comment l'avez vous trouvé ?

En Allemagne aussi rassurez vous, personne ou presque ne la connait ( rires). A la base, Aenne est une comédienne de Théâtre qui travaille à Vienne,elle avait fait très peu de cinéma auparavant. Dès que je l'ai vue ,j'ai été captivée par elle, et pourtant, aux essais, c'était une vraie catastrophe   ( rires)!

Jusqu'au moment où je lui ai demandé d'improviser une scène avec une force incroyable, elle était comme indestructible. Là, j'ai su que c'était Janne. 

Aenne est formidable, elle jouait au théâtre juste avant le tournage, elle est donc  arrivée très peu préparée, mais du coup, elle était ouverte à tout, prête à se laisser surprendre par le personnage et par elle­ même.

Anne est une comédienne et une personne très cérébrale , on a beaucoup parlé du dégout, en quoi c'est un sujet qui nous intéressait en tant  que femmes,  elle a beaucoup lu les théories féministes, notamment " King Kong Theories"  de Virginie Despentes, une de nos lectures en commun qui nous ont toutes deux bouleversées et sur cette base là on a énormément échangé pour nourrir le rôle.

 Quels étaient vos choix de mise en scène,  en axant notamment les gros plans pour accompagner vos personnages au plus près?

En fait, ce que je voulais  c'était observer mes personnages et mes situations, et surtout  ne rien appuyer artificiellement.

Il était primordial pour moi de mettre une distance, de ne pas manipuler  le spectateur, donc je ne voulais surtout aucune musique qui vienne appuyer les émotions et les images. 

Je  souhaitais être  proche de  mes  personnages physiquement mais sans les filmer frontalement pour autant, voilà le défi de mon approche.

Mon objectif, ce  n'était  pas qu'ils fassent quelque chose pour la caméra ou le public, mais qu'on leur dérobe  quelque chose d'eux, de leur intimité .

 

Comme si de rien n'était est en salles depuis le 3 avril, voir notre critique du film

Merci au cinéma le comoedia pour cette interview

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