Coup de griffe cinéma : Le Dindon : le spectateur, véritable dindon de la farce?
Jalil Lespert réalisateur nous avait beaucoup séduit en 2014 avec son " Yves Saint Laurent", qui avait également touché le public (1,6 millions d'entrées, très beau score pour un biopic) n'avait pas forcément démérité avec Iris, bide public assez immérité, donc rien ne prédisposait à ce ratage intégral avec ce Dindon qui sort ce mercredi en salles vu lors de la semaine de la comédie UGC.
Adaptant Feydeau, auteur très reconnu du théâtre français et convoquant une kyrielles d'acteurs très populaires issus d'horizons divers, de Dany Boon à Ahmed Sylla, ce "Dindon" 2019 a , au vu du résultat sur grand écran, tout de la fausse bonne idée..
L'interêt d'aller voir une pièce de Feydeau est avant tout d'aller voir des acteurs transpirer sur scène dans un cadre et un chaos savamment organisé.
Entre portes qui claquent et quiproquos en série, on sait donc à quoi s'attendre en allant voir un de ses classiques sur les planches et souvent les zygomatiques sont mises à rude épreuves .
Découpé au cinéma, réduit à 1h25 alors que la pièce originale dure 3 heures, plus rien n'a de sens, aucune scène ne fonctionne tout à fait, les comédiens semblent s'agiter comme des pantins désarticulés et nombre de dialouges pourtant ciselés, tombent à plat .
Résultat des courses : les 1h25 semblent finalement bien longues et on ne comprend jamais vraiment l'intérêt de transposer l'intrigue qui se déroule au 19e siècle dans les années 70 (même si la reconstitution soignée d'époque est un des seuls atout à porter au crédit de Jalil Lespert, avec le générique du début et celui de fin) ni celle de voir en quoi cette pièce peut avoir une résonnance dans notre monde actuel ..
Ici, comme dans tout bon Feydeau qui se respecte, tout le monde trompe tout le monde, les amis des maris sont les amants des femmes qui veulent se venger en prenant un amant, bref, comme dans la pièce, me diriez vous, mais la mécanique tourne tellement à vide et tout est tellement outrancier que tout le monde , et le spectateur en premier lieu s'en fout royalement et s'épuise très vite devant ces vaines gesticulations.
Voir le film nous fait prendre conscience que Feydeau ne supporte pas le travelling et encore moins les champs/contrechamps, même l'excellent cinéaste Michel Deville s'y était cassé les dents (on se souvient de sa très mauvaise adaptation du "fil à la patte" il y a 15 ans désormais, dernier long métrage de ce grand réalisateur qui semble ne jamais s'en être remis).
Passons outre le surjeu de la plupart des comédiens (notamment Dany Boon et Laure Calamy, vraiment pas à leurs affaires et qui irritent prodigieusement), Alice Pol s'en tirant un peu mieux que ses comparses), et vous aurez une idée de l'ampleur du désastre..
Bref, les adaptations de vaudeville au cinéma ont souvent été assez catastrophiques et ce "Dindon", qui prend un peu le spectateur pour un beau spécimen volatile, est loin de changer la donne, bien au contraire !!
Pas certain que Lespert retrouve auprès du grand public la grâce de Saint Laurent avec ce nanar puissance mille. Tout le monde peut se tromper, clame l'affiche en grand .... à croire que le service marketting du distributeur avait déjà annoncé la couleur ....