Le jeu des si : Isabelle Carré entre autofiction et fantasme
"L'émotion avait disparu et, avec elle, les frémissements, la peur si douce, exaltée par la sensation d'interdit et la fierté de l'avoir bravé ensemble."
Avec "Les rêveurs" , la très discrète comédienne française Isabelle Carré, bientôt à l'affiche dans les salles du film La dégustation, qu'on a pu voir ce week end à Aix Les Bains, faisait une entrée remarquée en littérature en nous plongeant dans son enfance un peu décalée, entre une mère lasse et border line et un père désigner qui avouera son homosexualité tardivement dans un geste libérateur.
Elle gagna deux ans plus tard assez définitivement ses galons de romancière avec du "Côté des Indiens", un livre beaucoup plus romancé, mais toujours assez autobiographique qui nous avait également beaucoup séduit
Dans son nouveau roman elle continue à parler d'elle par le prisme de la fiction et de son rapport à la réalité .
Elle "met en scène" Elizabeth, une femme qui choisit un jour de disparaitre et d’endosser l’identité d’une autre.
Dans un aéroport elle fantasme sur le nom indiqué sur le panneau du chauffeur de taxi….Et si tout à coup elle se faisait passer pour cette personne et décide de monter dans le taxi.
S’inventer un autre monde.
Et Si j avais été une autre?- Si j’avais décidé autre chose?- Si….. qu’elle aurait été ma vie? - A- t- on prise sur notre vie? sur notre destin? Entre autofiction et fantasme, Isabelle Carré nous plonge dans un jeu de miroirs assez trouble dans lequel elle n'hésite pas à se mettre en avant, dans une mise en abyme sur l'être et le paraitre aussi déconcertante qu'ambitieuse.
Isabelle Carré invite à nous plonger et à perdre dans son labyrinthe imaginaire, un lecteur certes parfois un peu dérouté, qui sera néanmoins ravi de l'ambition et l'audace d'une comédienne qui semble de plus en plus prendre plaisir à l'exercice littéraire.
Isabelle Carré, le jeu des si, Grasset, 288 pages- 20€