Critique - Noémie dit oui : quand le corps dit non
Racontant la prostitution juvénile de façon crue mais jamais complaisante ou voyeuriste, Noémie dit oui de Geneviève Albert suit, avec un réalisme déroutant, la descente aux enfers d'une jeune fille de 15 ans qui va se retrouver totalement livrée à elle-même suite à une fugue du foyer où elle vivait depuis trois ans.
Piégée dans un engrenage macabre, la protagoniste se détruit petit à petit à travers des rencontres qui se multiplient. Elles sont d’ailleurs décomptées à l’image.
Pour son premier long métrage, la cinéaste québécoise Geneviève Albert tisse un scénario audacieux et casse gueule qui traite du consentement et de l’exploitation des prostituées mineures.
Le spectateur de Noémie dit oui, qui pense au départ assister à une plongée en huis clos d'une vie dans un foyer de jeunes filles aussi éprouvante que le récent Dalva, va finalement assister à sans doute pire :être le témoin impuissant d'un cercle sans fin où l’horreur ne fait que se reproduire devant une télé allumée qui n’a de cesse de montrer les courses de F1.
En s’appuyant sur le témoignage d’anciennes prostituées, Geneviève Albert a voulu coller au plus près de la réalité, se gardant de rendre glamour, comme on a pu le voir ailleurs, le sort de ces gamines livrées en pâture au désir d’hommes ne cherchant qu’à assouvir leurs pulsions contre une somme d’argent.
L’auteure ne filme pas un quotidien de banalité et de glamour. Noémie est escorte malgré elle et ne manifeste aucun plaisir, seulement du dégoût et de l’écœurement parce que immédiatement confrontée à une sexualité totalement incompréhensible à son âge d'adultes aussi agressifs que dangereux même dans leur trivialité la plus banale.
En tournant sa caméra vers les prédateurs, dans le souci de ne jamais érotiser le corps de la proie, la réalisatrice joue avec le hors-champ pour filmer les rapports tarifés par un procédé certes éprouvant et répétitif, mais ô combien nécessaire pour dénoncer le fléau.
La jeune fille est filmée au plus près, caméra sur épaule, et il faut bien tout le talent de Kelly Depeault révélée dans La Déesse des mouches à feu pour être à la hauteur de ce personnage indomptable.
Tout simplement époustouflante, la performance de la jeune actrice, dont les frêles épaules portent la quasi-intégralité du film, laisse une marque durable.
Noémie dit oui surprend tant par la maîtrise de son sujet que par la pertinence de sa mise en scène. Et alors qu'on pourrait creuser le terreau d'un cinéma sordide et nihiliste, Noémie dit oui s'avère in fine comme un récit initiatique où les forces vitales d’une adolescente ne se démentent jamais, quelles que soient les circonstances.
Un grand film!
Noémie dit oui ★★★★
Drame de Geneviève Albert. Avec Kelly Depeault, Emi Chicoine et Myriam DeBonville. Canada, 2022, 113 minutes.
En salles le 26 avril 2023.
NB : Le film sera projeté en avant première ce jeudi 20 avril au Pathé Bellecour de Lyon
La cinéaste québécoise Geneviève Albert traite du consentement et de l’exploitation des prostituées mineures dans "Noémie dit oui" surprend tant par la maîtrise de son sujet que par la pertinence de sa mise en scène. Et Kelly Depeault y est indomptable et poignante pic.twitter.com/rxsgZXDgKb
— Baz'art (@blog_bazart) April 11, 2023