Critique : LE RAVISSEMENT: un premier long métrage éblouissant de maitrise
LE RAVISSEMENT est le premier film d'Iris Kaltenbäck, réalisatrice d’un court-métrage Le Vol des cigognes (2015), et scénariste du très beau film de Raphaël Jacoulot, L’Enfant rêvé (2020)
La jeune réalisatrice qui aurait aussi revé etre avocate péanliste découvre un jour un fait divers étonnant : une jeune femme emprunte l’enfant de sa meilleure amie et fait croire à un homme qu’elle en est la mère.
C’est ainsi que nait l’idée d’écrire une fiction qui raconterait le bouleversement que cet événement provoque sur l’amitié entre ces deux femmes mais aussi la place des faux-semblants dans la genèse d’une histoire d’amour basée sur ce terrible tissu de mensonges.
Dans le ravissement, Lydia, une sage-femme socialement isolé et qui peine à trouver un équilibre dans sa vie sentimentale va suivre de très près la grossesse de sa meilleure amie et s’enfoncer peu à peu dans un mensonge inextricable, notamment pour conquérir le cœur de Milos.
Ce film brosse le portrait d’une femme prête à tout pour assouvir son cruel manque d’amour, mais aussi celui de trois solitudes broyées par un Paris nocturne et inquiétant, véritable labyrinthe de la solitude …
Le film est conduit par la voix off d’un narrateur, dont l’identité est d’abord incertaine, puis qui s’avère être Milos, l’homme aimé
Ce dernier s’interroge, a posteriori, sur le mystère qu’incarne Lydia et sur le dérèglement qu’il a pu contribuer à provoquer en elle.
Le Ravissement interroge le public l’amenant à réfléchir sur des dilemmes moraux et les relations complexes que vivent les personnages, des situations que l’on peut rencontrer dans la vie courante et qui émeuvent d’autant plus les spectateurs par leur véracité et même leur universalité, malgré la radicalité du geste de Lydia.
On parle beaucoup de ce que provoque l’arrivée d’un enfant dans un couple, mais moins de ce que ça déclenche dans une amitié. La question qui déroule de l'intrigue est de savoir comment se dépêtrer d'un premier mensonge, autrement qu'en s'enferrant dans de nouveaux, au fil d'un déni qui prend des proportions dramatiques.
Dans un Paris qui accentue les solitudes et les douleurs, le film développe sa trame narrative sans se permettre de juger ni d'inventer une quelconque psychologie à son héroïne, qui se perd peu à peu dans ses mensonges devenant rapidement inextricables.
Avec sa belle chevelure noire déferlant sur son manteau rouge, Lydia ( magnifique Hafsia Herzi dans un rôle qui lui sied à merveille) a un air de Petit Chaperon Rouge des contes qui pourrait bien devenir loup.
Le ravissement, et son merveilleux titre à plusieurs dimensions*, fait largement écho à un roman de Marguerite Duras Le ravissement de Lov V Stein, où une femme se retrouve en plein déni de chagrin et nous entraîne dans la quête acharnée et troublante des splendeurs de l'amour fou.
On retrouve dans le film d'Iris Kaltenbäck, comme dans la littérature de Duras une atmosphère suspendue, ici remplie de fondus, de courses effrénées, de trajets en bus erratiques dans la capitale.
Porté par des interprètes magnifiques et un scénario tout en finesse et en émotion retenue, cet emballant premier long métrage marque les esprits par les sujets que ce film abord, par son traitement de thématiques délicates et par la profonde humanité de ses personnages.
Le Ravissement est le premier film de la réalisatrice française Iris Kaltenbäck. Il sort en salles le 11 octobre 2023, distribué par Diaphana.
Le film a eté présenté ce lundi 25 septembre en avant première au Cinéma Lumière Terreaux de Lyon
* Ravissement, nom masculin, 1. fait d’être ravi, transporté au ciel, 2. action de ravir, d’enlever de force…