[CRITIQUE] LA PAMPA : masculinité toxique en roue libre
Comme quoi la (bonne) télé peut mener au (grand) cinéma.
Contributeur au scénario ou à la mise en scène de grandes séries françaises récentes- Le bureau des légendes, "Baron noir" ou "Oussekine". Antoine Chevrollier réussit haut la main son passage au 7eme art avec son premier long métrage, La Pampa, formidable de bout en bout.
En trois quatre scènes, aussi sensibles que justes, Chevrollier nous glisse dans le quotidien de Willy et Jojo, amis d’enfance, liés par une passion paternelle de la moto.
Dans un décor rural et autour de la poussiéreuse Pampa, un terrain de moto-cross où règne masculinité toxique et virilité exacerbée, ce film puissant aborde sans tabou les relations familiales difficiles, le cyber-harcèlement et l’insularité des modes de pensée et surtout met à mal les dérives de la masculinité toxique.
Antoine Chevrollier filme très bien cette région, le cours de la Loire, ces compétitions de motocross et le raffut des moteurs qui vient percer le silence monotone de la rivière et y ancre des personnages attachants dans leurs nuances et leurs fragilités.
Les circuits de moto cross, malgré une illusoire sensation de liberté, semblent représenter pour les personnages un destin clos sur lui-même, une boucle dont on ne sort jamais.
La Pampa dénote également un sens affiné du filmage : Chevrollier filme avec une belle acuité l’adieu définitif à l’enfance et le monde des adultes et ses amertumes inhérentes.
Sous une ligne narrative aussi riche que terriblement efficace (on notera que le réalisateur l'a co-signé avec Bérénice Bocquillon et la célèbre romancière Faïza Guène) avec la révolte d’indépendance adolescente, la transition émotionnellement confuse vers l’âge adulte et la nécessité de "trouver sa place",
On ne dévoilera pas la nature du secret que l'un des amis découvre de l'autre pour ne pas trop spoiler et aussi car au-delà de ce sujet-là, le film questionne la place de la ruralité et de la masculinité, et c'est avant tout une histoire d’amitié inébranlable, même lorsqu’ ce fameux secret est découvert et fera tout basculer.
Autour d'un casting assez incroyable- les deux jeunes comédiens, mais aussi Damien Bonnard et Artus dans un étonnant contre emploi, le film juxtapose les milieux ruraux, la pratique du moto-cross ainsi que des problématiques souvent très conflictuelles dans ces mêmes milieux et le tout d'une fort belle manière.
On pense au Téchiné des Roseaux sauvages, au François Ozon d'été 85 ou plus récemment à nos enfants après eux des frères Boukherma dans lequel on voyait déjà Sayyid El Alami crapahuter en vélo sous fond de province déshéritée.
"La pampa", film bouillonnant, intense, tourbillonnant, à la densité tragique assez étonnante, surprend constamment et bouleverse profondément.
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« La Pampa », à voir en salles le 5 février.
NB : Le film est présenté ce lundi 27 janvier au cinéma le Comoedia en présence de son réalisateur et son comédien Sayyid El Alami,