United States of Love: le triste destin de 4 femmes dans la Pologne post communisme
Savez vous quelle est ma chronique cinéma la plus lue depuis le début du site? Inutile de laisser trop longtemps le suspens- intenable et vous faire un petit quizz pour vous faire gagner des lots, je ne pense pas que quelqu'un réussirait à trouver ..
En effet, il s'agit de celle d'un film polonais passé plutôt inaperçu dans nos contrées, "Ligne d'eau", un long métrage polonais d'un certain Tomasz Wasilewski- deuxième de son auteur et premier à être sorti chez nous.
Si je n'ai aucune certitude sur la raison qui fait que je retrouve quasiment chaque jour le titre de ce film dans mes billets cinéma les plus lus, j'ai vu avec plaisir ( l'histoire pourrait - elle se répeter?) que récemment Tomasz Wasilewski continuait de faire parler de lui avec son nouveau film United States of Love qui sort en salles ce mercredi 5 avril.
Et Tomasz Wasilewski aurait pu se rappeler à mon bon souvenir dès l'an passé, si j'avais suivi le palmarès de la Berlinale avec la même acuité que je suis celui de Cannes, puisque son troisième film y a remporté alors le prix du Meilleur scénario en 2016, et c'est donc naturellement qu'il sort en salles cette semaine auréolé de bons échos.
Après avoir réalisé le tout premier film polonais qui parle ouvertement d'homosexualité comme sujet principal, un sujet encore bien plus tabou dans ces pays d'Europe de l'Est que dans nos états occidentaux, Tomasz Wasilewski décide de parler d'un autre sujet plutôt tabou pour la société polonaise, le féminisme.
Et même s'il situe l'intrigue de son film au tout début des années 90 juste après la chute du communisme, on peut deviner- et le réalisateur l'affirme aussi dans le dossier de presse du film- que la situation de la femme dans ce pays si durement marqué par le communisme n'est toujours pas enviable.
Car si l'année 1990 est la toute première année de liberté pour les 4 femmes que choisit de suivre successivement le cinéaste, et de tenter d'assumer enfin leurs désirs, on voit dès les premières scènes que les marches seront particulièrement difficiles à atteindre.
L'’héritage laissé par le système socialiste et les traditions patriarcales pré communistes ont contribué à défavoriser les femmes malgré le changement de contexte politique, économique et social : dans le mythe populaire polonais, la femme doit être une bonne épouse et une mère de famille.
C’est l’idéal polonais, basé sur une idéologie conservatrice et les 4 héroines montrées par Tomasz Wasilewski vont l'apprendre à leurs dépens au cours de ce qui s'apparente assez vite à un long chemin de croix et en dehors des réserves que je peux avoir sur le film, United states of Love a le mérite de porter la lumière sur cette situation méconnue, comme il le faisait déjà en brisant l'omerta dans la Ligne d'eau sur une question de société différente .
Mais si Ligne d'eau était déjà apre et sans concession sur le sujet qu'il traitait, il laissait quand même éfleurer un espoir et un coté solaire- représenté par les belles scènes de piscine- malheureusement totalement absent de ce United States of Love, dont les couleurs, particulièrement ternes, dépourvues de la moindre parcelle de gaieté sont hélas en symbiose totale avec le quotidien de ses personnages.
Et si Tomasz Wasilewski fait montre d'une vraie maitrise formelle et de cadre, plus manifeste encore que dans un Ligne d'Eau plus fragile , c'est malheureusement au dépens de l'émotion et d'un regard bienvaillant sur ces personnages. : on aurait aimé vibrer pour ces 4 destinées sentimentales de polonaises d'âges différents au lendemain de la chute du communisme, mais le cinéaste semble prendre un tel plaisir à leur offrir que des situations pathétiques dans lesquelles elles ne s'en sortent que très rarement grandies, que la coupe en devient vite pleine pour le spectateur de bonne volontélkio..
On est ainsi ici assez proche du cinéma de Michael Haneke ou surtout d'Uldric Seidl , par cette même radicalité et ce regard entre humour noir et sadisme porté sur ses protagonistes - féminins donc , mais les hommes sont encore plus mal traités- avec, comme chez Seidl, l'impression que le cinéaste voit ses personnages comme des cobayes, et non pas des hommes et surtout des femmes à dessiner avec empathie et tendresse ( contrairement à chez Loach ou Cassavetes pour prendre deux exemples parmi plein d'autres).
Bref, et c'est tout à son honneur, le film ne laissera de toute façon personne indifférent, entre ceux qui seront vite dérangés par cette vision clinique et frigoriste de ces situations et de ces personnages, et les autres qui s'inclineront devant la beauté formelle et une réelle flamboyance narrative à enchainer les histoires et les faire s'entremeler ( le prix du scénario à Berlin est pour le coup plutôt logique)..
UNITED STATES OF LOVE - film annonce from Sophie Dulac Distribution on Vimeo.