Baz'art  : Des films, des livres...
4 avril 2020

Barbara Pravi : l’interview d'une très grande espoir de la chanson française …

On avait longuement parlé de la très prometteuse auteure compositrice Barbara Pravi le jour des Victoires de la Musique et une semaine tout juste après le lancement de  son EP« Reviens pour l’hiver ».

Depuis, l'actualité a été riche,  à la fois pour elle même -  avec la sortie de son clip "Chair", nouvelle vidéo lancée pour la journée de la femme - et pour le monde entier,  avec cette pandémie mondiale et ce confinement qui obligent tout le monde à s'adapter...

Une actualité personnelle et internationale qui se confondent de plus en plus pour les artistes, comme la très talentueuse Barbara interrogée cette semaine, nous explique, sans langue de bois aucune et avec la spontanéité qui la caractérise : 

Barbara Pravi (1)

 Baz'art : Bonjour Barbara. Ma première question est forcément assez circonstancielle: comment vis-tu cette période de confinement forcé depuis quelques semaines? Comme un coup d'arrêt à une carrière qui partait sous les chapeaux de roues ou plutôt comme une façon de te réinventer  artistiquement ?

Barbara Pravi  : A vrai dire, j'ai mis une bonne dizaine de jours à me remettre un peu de la situation.

Les premiers jours, j'étais vraiment dans un état de sidération assez totale.  J'avais tendance à considérer que parler de chansons et de musique avait quelque chose d'un peu vain par rapport à cette crise mondiale d'une envergure énorme. Je me suis dit qu'il ne fallait pas que je raisonne en tant que musicienne et chanteuse mais en tant qu'humaine. 

Je pense cette crise sanitaire ne va pas être la dernière , je suis convaincue qu'il va y en avoir un certain nombre d'autres dans les années à venir et que cela aura un impact énorme, notamment sur nos modes de consommation.

Le fait qu'il y ait pénurie dans les magasins me pose question car je suis venue à la réflexion que je dépends entièrement des autres pour me nourrir. Du coup, je m'intèresse beaucoup en ce moment à la permaculture et aux éco systèmes qui permettrait de m'alimenter différemment .

Et plus globalement, je me dis que moi en tant que chanteuse, je ne suis pas utile aux autres, je ne peux pas changer la vie des plus vulnérables, donc j'aimerais bien, à moyen ou long terme, envisager une orientation dans des domaines qui pourraient prendre en compte ces dimensions là..

Je voudrais être habile de mes mains, être plus actrice de ma vie et moins dépendre du secteur l'agro alimentaire pour vivre... 

Tout cela est encore un peu flou, mais il faut dire que tout est flou dans la période que l'on vit en ce moment, mais disons que j'en suis à ce niveau là du coté de ma remise en question..

Baz'art : Mais rassure nous, cette remise en cause ne va rien changer pour toi artistiquement parlant, non? Tu continueras bien à chanter et à nous offrir des disques aussi beaux que "Reviens pour l'hiver"?.. Maintenant que tu sembles vraiment t'être trouvée musicalement parlant, après un premier album où tu avais fait quelques concessions, cela serait quand même bien dommage, non? (rires) 

 Barbara Pravi  :  Oui bien sûr,  pour le moment je ne sais faire que cela: je vais bien évidemment continuer à écrire des textes et à faire de la musique..

De toute façon,  si on reste confinés encore quelques temps, cela n'a pas d'impact pour moi  sur le plan technique; en tant qu'auteur compositeur, je peux écrire et composer une chanson de chez moi à distance.

Par ailleurs, je n'ai pas fait encore beaucoup de tournée  j'ai évidemment une envie  de faire des scènes et je commencais à réfléchir sur des dates à venir avec mon équipe de tourneur( NDLR :, FAR Prod, composée uniquement de femmes) mais rien n'était encore concret - donc, contrairement à d'autres  artistes que je connais, je ne ressens pas forcément le besoin vital de me produire en live.

Donc mon changement de mode de vie dont je t'ai parlé, c'est une vision à moyen ou long terme, rassure toi (rires) , mais sincèrement je suis convaincue que cela va changer énormément de choses dans la manière de vivre et de penser des gens, en tout cas chez moi (rires). 

Et si on reste dans le domaine de l'industrie du disque qui n'était déjà pas bien florissante, la situation actuelle risque d'avoir un impact foudroyant,.

Evidemment, les gros artistes installés comme Florent Pagny- pour qui j'ai chanté en première partie l'an dernier- continueront toujours à vivre de leur musique, mais pour ceux qui arrivent et qui cherchent à se faire une place, cela risque d'être encore plus difficile...

Baz'art : Dans les artistes qui cherchent à se faire une place et qui y arrivaient bien jusqu'à présent, tu te poses là quand même.. Tu as connu un succès fulgurant, en à peine un an, avec notamment depuis le 8 mars 2019 et cette vidéo de reprise de la chanson «Notes pour trop tard » qui part de cette reprise d'Orelsan en mash up avec ta chanson « Le Malamour ». J'ai l'impression que cela a vraiment été un catalyseur pour toi, cette vidéo, tu confirmes? 

Barbara Pravi  : Oui tout à fait, j'avais déjà  souhaité rendre hommage  aux femmes en 2018 avec une libre adaptation de "Kid" de Eddy de Pretto qui avait déjà bien marché avec plus de 1.2 millions de vues,  mais "Notes pour trop tard" a eu une viralité encore plus foudroyante.

La vidéo a fait plus de 2 millions de vues et pas mal de  buzz. L'idée de  mixer le morceau d'Oreslan avec ma chanson « Le Malamour »; une chanson  qui était au départ prévue sur mon premier album, mais qui a été écarté par les gens avec qui je travaillais à l'époque, m'a parue assez évidente car les thèmes s'enchaînaient bien.

Et j'ai eu l'impression que grâce à cette vidéo, le regard des professionnels sur moi a changé, on s'est dit que j'avais des choses à dire pas plus idiotes qu'un autre, j'ai vraiment senti que le " milieu" éprouvait un intérêt plus grand à ce que je pouvais proposer désormais en tant qu'artiste ..

Barbara-Pravi-2018-06-20-Actu

Baz'art : Et cette viralité phénoménale a du avoir eu pour toi des vertus libératrices, notamment après une expérience discographique mi figue-mi raisin, où tu avais du faire quelques concessions artistiques et le sentiment de ne pas totalement reconnue comme une auteure compositrice à part entière, non? 

Barbara Pravi  : C'est vrai que quand j'ai commencé dans le domaine de la chanson, il y a quatre/ cinq ans, je manquais quand même terriblement de confiance en moi.

Je me comparais sans cesse aux autres et j'avais tendance à développer ce syndrome de l'imposteur en me demandant pourquoi j'avais cette chance de vivre de la musique, alors que tant d'autres plus talentueux que moi n'y arrivaient pas. 

Du coup, les personnes avec qui j'ai collaboré pour mon premier disque ont un peu profité  de ce manque de confiance pour  orienter mes gouts vers ce qu'ils aimaient eux et pas forcément ce que j'aimais au plus profond de moi. Bref, après mon premier album j'ai rompu avec pas mal de personnes avec qui j'avais collaboré à cette occasion.

Cela a été une période un peu compliquée, pendant laquelle je me suis senti assez seule, mais heureusement j'avais la chance d'être entourée de proches qui m'ont aidé à ne pas douter de mes qualités.

Et puis j'ai aussi eu la chance pendant cette période d'écrire pour les autres. Un peu par hasard, je me suis retrouvée à écrire des textes pour des artistes renommés comme Yannick Noah, Chimène Badi ou encore Julie Zenatti, avec qui je me suis parfaitement entendue et qui était ravie de ce que j'ai écrit pour elle.

 Ces rencontres m'ont permis de me décentrer totalement. J'aurais tendance à dire que c'est  encore mieux qu'une psychanalyse d'écrire pour les autres, ( rires)   de se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre tout en partant aussi un peu de soi..

Bref, tout cela, ajouté évidemment au buzz autour de "Notes pour trop tard", a contribué à soigner mon égo quelque peu blessé par ces expériences du passé. 

 Baz'art : Ton nouvel EP sorti en février aura aussi été l'occasion d'affirmer ton goût pour la chanson française classique et ample, celle que tu aimes depuis petite, et que tu cites en référence depuis tes débuts, à savoir celle de Barbara, Aznavour et d'autres? 

Barbara Pravi  :  Absolument...Mes influences se logent dans la chanson française et pas dans la pop.

Cet EP était  vraiment l'occasion de mettre en avant ce que j'aime faire en premier lieu, à savoir de  la chanson, avec des mots, des mélodies, une voix très présente, et oublier le coté un peu trop pop, trop sonorité urbaines, que l'on avait mis  en avant dans mon premier album. J'ai toujours adoré  les textes et les grandes mélodies.  

Et surtout, j'aime raconter des histoires, j'ai toujours lu beaucoup de romans  (dans mes récentes lectures , je viens de finir les "Hauts du Hurlevent "et j'ai adoré tous les romans d'Alexandro Barrico ) et je m'en inspire souvent dans la façon d'écrire mes chansons . J'aime me voir comme une raconteuse d'histoire, capable en 4 minutes maximum de faire passer un récit et une émotion par la voix et les textes. 

Au niveau des textes, d'ailleurs, en toute modestie, je pense que j'ai un peu progressé entre mes deux disques , je pense mieux maitriser l'exercice de l'écriture de chansons et le fait d'avoir écrit pour d'autres artistes m'a considérablement aidé  en la matière.

Barbara Pravi  : Cet EP frappe par sa douceur, son côté apaisé, alors qu'on aurait pu s'entendre à ce qu'il soit plein de rage, de rancoeur, de tristesse, puisque tu l'as écrit juste à la suite de ces ruptures professionnelles, non?  

Barbara Pravi  :  Tu sais, c'est logique pour moi que ce disque ne soit pas plein de rage, comme tu dis... 

Je l'ai créé à une période ou j'avais pris le recul nécessaire sur ces moments difficiles .

Cela m'a permis de me recentrer vers ce que j'aime le plus au monde : la chanson.

Du coup, c'est plutôt la dimension radieuse que je voulais mettre en avant.  Lors de l'écriture et de l'enregistrement de " Reviens pour l'hiver", j’ai vraiment été habitée par une vague d’amour et de réconciliation à tous les niveaux,; réconciliation avec ma personnalité, mes histoires  et mes fantômes du passés, et  réconciliation aussi avec le monde et les gens qui sont autour de moi. 

Et c'est dans ma nature profonde :  je suis un gentille (rires), en tout cas, je ne suis pas quelqu'un d'aigrie, de revendicative;j'ai des combats évidemment dont je parle dans certaines de mes chansons, mais ils ne doivent pas être selon moi remplis d'amertume... 

En revanche, je te l'accorde,  au moment où j'ai écrit "Notes pour trop tard",  j'avais besoin et envie de dire les choses d'une certaine façon, pour le coup le morceau est plus vindicatif mais après pour moi ce passage là était terminé , la tempête était derrière moi;  il fallait désormais penser à tourner la page et c'est ce que j'ai voulu faire avec cet EP..

Pour "Reviens pour l'hiver", j'ai d'abord beaucoup  travaillé longtemps seule,mais après je n'ai collaboré qu'avec des personnes en qui javais énormément confiance (je pense notamment à Vincha, un artiste que j'aime particulièrement) et qui ont contribué à faire quelque chose plein de douceur et de sérénité.

J'ai réussi à me séparer des choses négatives autour de moi pour prendre le dessus et cela se reflète dans cet EP qui me ressemble beaucoup, et qui a d'ailleurs beaucoup touché mes proches, qui m'ont pleinement reconnu dedans.

508028-barbara-pravi-953x0-3

Baz'art : Sauf que depuis cet EP, tu as écrit et enregistré le morceau "Chair", et ce clip diffusé pour le 8 mars de cette année et, là, on peut te retrouver un peu en colère, avec cette façon de dire des choses avec une certaine violence, ce qui tendrait à faire penser que tous tes "démons" ne sont pas tous éloignés ?

Barbara Pravi  : Excuse moi de te contredire, mais  je  ne vois pas du tout "Chair" comme un cri  de colère. C'est un  cri du corps et du coeur. certes, mais pas un cri de colère.  

C’est une chanson sur la découverte de soi, du chemin que l’on empreinte pour se révéler à soi et effectivement il se base sur un témoignage personnel que j'ai vécu à 17 ans . 

C'est évidemment une revendication  féministe qui célèbre la liberté à disposer de son corps et encourage à s’accepter et s’aimer.

Evidemment, j'y raconte des choses très personnelles, pour moi c'était assez évident dès le départ que j'allais en faire quelque chose de scandé, de slamé.

Alors, certes, par ce coté là, "Chair" est différent dans la forme d'un morceau comme "Personne d'autre que moi"  qui est sur mon dernier EP, mais cela raconte un peu la même chose, le fait qu'arriver à s'accepter comme on est et ne pas écouter les jugements et paroles blessantes d'autrui prend parfois du temps, que c'est parfois un chemin de croix, mais qu'on y arrive forcément 

Pour "Chair, j'ai mis du temps à trouver le bon angle pour parler de ce sujet de l'avortement en 3 minutes c'est un exercice assez périlleux, tu sais. 

D'ailleurs, on s'est mis à 5 à l'écrire, j'ai été accompagnée par plusieurs comparses que je voudrais citer car je les trouve formidables :Sandra Nicolle, Vincha, et les frangins  Raphaël et Théo Herrerias  (du groupe de Saint Etienne "les Terrenoire")

"Chair", cela fait deux années que je pensais à l'écrire mais il fallait qu'on trouve à 5, cette construction originale où l'universel rejoint le personnel à partir du second couplet.

Je suis vraiment contente de ce qu'on en a fait, et les retours que j'ai sont très bons, que ce soient des gens de la profession comme ceux des internautes.

Baz'art : D'ailleurs, en parlant de ces retours d'internautes "anonymes", que ce soient sur ce titre ou bien avec "Notes pour trop tard" ou  bien encore ton sublime "Le Malamour," tu abordes des sujets comme l'avortement ou les violences conjugales, tu dois avoir souvent des messages très intimes qui attend une réponse de ta part.. Tu te sens une petite responsabilité à ce niveau? 

Barbara Pravi  :  Ah, oui,  tu vises juste. J'ai reçu pas mal de retours de personnes- des femmes en grande majorité- qui m'ont confié avoir eu des histoires personnelles qui rentrent en écho avec les histoires que j'ai raconté dans ces morceaux là en particulier.  

Et  à chaque fois que je reçois ce genre de confessions, j'y prends vraiment la peine d'y répondre en y apportant mes expériences personnelles et avec le petit recul que je peux avoir sur ces histoires qui sont derrière moi.

Alors, évidemment, je ne suis ni assistante sociale ni psychologue, je ne peux donc qu'y répondre en tant que chanteuse, mais justement je crois que ce qui plait aux gens qui m'écrivent, c'est que je mets pas mal de ma sensibilité d'artiste et que j'ai un point de vue non pas de professionnel mais bien de "personne lambda" qui répond avec son coeur sans chercher forcément à trop cérébraliser .

C'est vraiment quelque chose que j'ai réalisé récemment;  cette petite responsabilité que j'ai face à des gens qui me dévoilent des parts importantes de leurs vies et qui attendent qu'en retour,  je témoigne un peu de compassion et de réflexion ..

Baz'art : Bon, tu vois alors, chère Barbara, que tu as, à tes côtés, bien trop de gens qui attendent que tu continues à créer de magnifiques chansons et qui ne tiennes pas forcément que tu ailles de suite cultiver tes légumes en Ardèche ou je ne sais où, confinement ou pas confinement (rires) ...

Barbara Pravi  : Ah , mais on m'écoute pas, cher Baz'art, je t'ai dit que ce n'était pas pour tout de suite et que ça m'empecherait pas du tout de chanter et d'écrire des chansons (rires)...

Baz'art : Je te taquine, merci beaucoup chère Barbara d'avoir répondu à mes questions et très bonne chance  pour la sortie de ce disque et à tous tes projets futurs !    

 Vous pouvez retrouver toutes les informations sur l'artiste et pour écouter son EP et ses clips sur son site .

Commentaires
Pour en savoir plus

Webzine crée en 2010, d'abord en solo puis désormais avec une équipe de six rédacteurs selon les périodes. l'objectif reste le même : partager notre passion de la culture sous toutes ses formes : critiques cinéma, littérature, théâtre, concert , expositions, musique, interviews, spectacles.

 

Contact de l'administrateur

Envoyer un mail à l'adresse suivante : philippehugot9@gmail.com 

Visiteurs
Depuis la création 7 564 647
MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

 

MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

(du 12 avril 2024 au 16 février 2025).

Peste, variole, choléra, grippe de 1918, sida et très récemment COVID-19… Depuis des millénaires, les épidémies affectent les sociétés humaines ainsi que les autres espèces animales. Comme une enquête historique, l’exposition revient sur ces événements qui ont bouleversé la vie sur tous les continents.

 

Jazz Day : 24 heures pour célébrer la diversité du jazz

Pour la 11e année consécutive, Jazz à Vienne coordonne la programmation du Jazz Day sur le territoire lyonnais et ses alentours.

Depuis le 36e congrès de l'UNESCO en 2011, à l'initiative d'Herbie Hancock, le 30 avril est une journée de célébration du jazz dans toute sa diversité.

Cette année, la programmation de cette journée compte une quarantaine d'événements festifs et musicaux à Lyon, Vienne, Saint-Etienne, Villefranche-sur-Saône et Bourgoin-Jallieu.

Jazz Day | Jazz à Vienne (jazzavienne.com)