Un film aussi Sauvage que puissant (critique du film Sauvage)!!
Mercredi prochain, dernière semaine du mois d'août, sortent sur les écrans deux très grands films français, deux premiers longs métrages qui chacun dans des genres totalement différents, ont été des chocs du Festival de Cannes, et que j'ai eu la chance de voir sur Lyon durant le mois de juin, et d'interroger leurs cinéastes respectifs: Guy d'Alex Lutz et Sauvage de. Camille Vidal-Naquet.
Commençons par parler du film "Sauvage" présenté à la Semaine de la Critique, et qui nous plonge dans l'univers de la prostitution masculine à Paris, un thème rarement abordé au cinéma, ou alors comme Téchiné l'a fait dans "J'embrasse pas" ( un film que son cinéaste et acteur principal n'aiment que modérement comme ils me l'ont avoué dans notre rencontre après le film) , avec un coté "chemin de croix" et doloriste qui n'est pas du tout présent dans ce film aussi étonnant et insaissisable que son protagoniste principal.
Ce protagoniste, c'est Léo, jeune drogué, accro au crack et à la santé plus que vacillante, qui se prostitue quotidiennement, mais qui ne semble pas articulièrement éprouver de remords ni de culpabiltité à sa situation.
On le voit, ce Sauvage qui porte parfaitement son titre, nous montre un être inapprivoisé qui refuse les compromissions du monde et dont on ne saura finalement pas grand chose ni de son passé ni de son futur, à part une candeur assumée, une liberté qu'il revendique pleinement ( sans attache ni voiture ni même un téléphone) .
Léo s'entête dans son désir pour un homme qui ne l'aime pas- son collègue Adj- excellent Eric Bernard- qui, contrairement à Léo se dit hétérosexuel et n'assume pas du tout sa profession- et s'il se prend des coups, vit la dureté de la rue comme une normalité et jamais, ne se plaint de ses difficiles conditions de vie.
Comme son héros, "Sauvage" est un film qui refuse de se plaindre et de faire des concessions : plutôt que d'essayer de comprendre les raisons qu'il l'ont amené à être là, la caméra de Camille Vidal Naquet se propose de vivre avec lui, de partager la fulgurance des instants qu’il traverse, avec une mise en scène aussi tendre que sensorielle.
Le film suit les traces de Léo avec beaucoup d’humanité et même de pudeur et en évitant les clichés misérabilistes; une seule scène (de plug anal) au milieu du film étant particulièrement violente et pourrait choquer les âmes sensibles .
On l'aime follement ce Léo, malgré ses décisions souvent difficiles à comprendre et une candeur qui confine parfois à de l'inconscience voire de la bétise, et il faut dire que réalisateur semble porter à Léo, mais aussi à l'ensemble de ces garçons qui vendent leur corps, un regard totalement dépourvu de jugement moral qui fait sacrément du bien.
Et si on l'aime autant ce Léo c'est aussi et surtout parce qu'il est incarné par un Felix Maritaud qui ne quitte jamais l'écran : déjà formidable dans un second rôle dans 120 battements par minutes de Robin Campillo, Maritaud apporte toute sa fraîcheur et son envie pour son deuxième rôle - après une apparition dans "le couteau dans le coeur" de Yann Gonzales.
Très documenté (- le cinéaste a procédé en amont à un vaste travail de documentation sur la prostitution masculine, en rencontrant des garçons du bois de Boulogne par le biais d’une association) - mais en même temps dôté d'une mise en scène d'une grande beauté plastique qui transcende le naturalisme un peu plombant, "Sauvage" est un film d'une grande intelligence de corps et de coeur, à l'image de son personnage et acteur principal..