Encore trois nouveautés poches du mois de février, après celles dont on a parlé il y a tout juste une semaine .

Du bon et du un peu moins bon au programme : 

1/Elizabeth de Fontenay/ Gaspard de la Nuit ( Folio 13 février 2020)

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"Mon "comme si" n'a rien à voir avec une exigence de moralité, car il flotte dans les eaux troubles de l'interprétation. Il produit cependant un effet libérateur, puisque j'ai recours à cette feinte- qui n'est pas un faire semblant pour traiter Gaspard en personne présente et non en cet absent que je n'ai pas eu les moyens d'approcher."

Le frère de l’auteure n’est pas comme les autres. Il est dans son monde, il est imprévisible, hors d’atteinte, ses réactions échappent à la “normalité”. Est-il autiste ou souffre-t-il d’un autre mal ? L’auteure Elizabeth de Fontenay philosophe et essayiste française bien connue,  ne répond pas réellement à cette question mais s’interroge sur la place dans l’histoire des personnes handicapées mentales. 

Avec ce récit, elle veut redonner à ce frère son humanité et pour cela, elle convoque les philosophes. Et c’est là, qu’elle m’a perdu. Elle n’a pas réussi à me rendre moins hermétiques ses références pointues et érudites. Pour moi, du fait de la distanciation créée par l’auteur (le frère reste une figure floue dont on ne sait pas grand chose), Gaspard est resté un mot sur le papier. 

2/Le chant des revenants, Jesmyn Ward ( 10/18); 6 février 2020

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" Big Joseph et la mère de Michael habitent au sommet d'une colline, une grande maison basse au crépbi blanc et aux volets verts. Elle en impose. Il y a deux camions garés dans l'allée, des picks ups flambants neufs qui captent la lumière du soleil et la reflètent, scintillent de tous leurs angles. Un rouge, un blanc."

Bois sauvage, Mississippi, l'histoire d'une famille et à travers elle, l'histoire américaine dans ce qu'elle a de plus sombre (la ségrégation, l'esclavagisme, le racisme) portée par 3 voix (Joseph, Léonie, Richie). L'intrigue se déroule aujourd'hui mais dans cet état du sud américain, la violence envers les Noirs est toujours d'actualité, incarnée ici par les beaux parents de Léonie. 

La force du Chant des revenants réside dans des  personnages si incarnés qu'on n'arrive pas à les détester (je pense en particulier à Léonie à l'instinct maternel défaillant )

Dans un roman traversée par la mort, Joseph apporte de la lumière. J'ai été touchée par ses relations avec son grand-père et sa petite sœur pleines d'amour 

Si le passé englue les destins individuels, l'auteure amène un vrai souffle de liberté par la poésie de sa langue et par les visions de ceux qui hantent le roman. 

3/ L'empathie, Antoine Renand( Pocket, 13 février )

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Songeur, la poire ajouta finalement : -"Je ne redeviendrai plus jamais comme j'étais avant! Tu vas devoir t'y faire car je ne veux pas. -  "Passe à autre chose l'exhorta soudain Louisa. Arrête de te mortifier tu n'es pas responsable de tout! Avance. La perpétuité réelle n'existe pas, et tu ne la mérites pas . " 

Alpha viole et torture, et le fait,  avec un plaisir assez insoutenable pour le commun des mortels. Pour  tenter de mettre fin à ses terribles agissements,  Anthony Rauch et Marion Mesny, capitaines au sein de la « brigade du viol » de la police judiciaire. Dans le Petit Robert, la définition de l'empathie est la  "capacité de se mettre intuitivement à la place de son prochain, de ressentir la même chose que lui, de s’identifier à lui ». 

Pour une histoire qui raconte la traque entre deux inspecteurs spécialisés dans le viol et un violeur absolument retors et machiavélique, on se demandait bien comment l'auteur, scénariste et réalisateur de court métrage, allait bien réussir à  intégrer cette dimension là une ce qui pouvait ressembler une classique histoire de duel entre le bien et le mal.

Or,   Antoine Renand  a réussi  un vrai tour de force avec son premier roman, celui d’écrire un thriller absolument magistral où la  compassion,  et le long chemin vers une rédemption possible pour le quasi ensemble des personnages est possible. et où le manichéisme( l'écueil régulier d'un certain nombre de polar qui cherche à sonder la monstruosité humaine) n'a pas le droit de cité  ..

Grâce à une construction narrative  inédite et vraiment ingénieuse, "L'empathie"  est constitué de plusieurs parties  qui dévoilent au fur et à mesure de et manière quasi chirurgicale des révélations sur les passés respectifs des protagonistes et des thématiques lourdes et imposantes ( viol, enfance, justice) qui traversent ces plus de 400 pages denses et toujours passionnantes.