Jones, qui ne tient pas en place, n'aura des lors qu'une envie : partir en Russie ( plutôt en URSS )pour renouveler son coup de maître en rencontrant Staline.
Il débarque en 1933 à Moscou, afin d’interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique mais va vite se rendre compte qu'approcher Staline n'est pas du tout évident et surtout que le miracle soviétique n'est qu'une facade qui menace très vite de s'écrouler .
Alors que les correspondants étrangers basés à Moscou se faisaient les complices du régime en reproduisant les mensonges officiels- tels que Walter Duranty, Prix Pulitzer et journaliste au très prestigieux New York Time, joué avec ce qu'il faut d'ambiguïté par le toujours formidable Peter Sarsgaard.
Gareth Jones - à qui James Norton ( qu'on avait découvert en psychopathe effrayant dans la formidable série anglaise Happy Valley) prête sa candeur mélée de tenacité agit en témoin de son temps- un lanceur d'alerte avant l'heure en quelque sorte, et même si cela se fait au péril de sa vie dans ces années pré seconde guerre mondiales particulièrement décisives pour l'histoire de l'humanité
La reconstitution de la Russie des années 30 est plus que convaincante. Et après une première heure - certes parfois un peu bavarde et confuse - qui se déroule dans des bureaux de diplomates des halls d'hôtels ou de salles de rédactions le film endosse une dimension assez épique, à mi parcours.
Le long métrage nous propose alors des séquences quasi contemplatives assez étonnantes dans un thriller historique, où la misère du peuple ukrainien est montré dans toute son horreur mais aussi toute sa dignité, notamment avec une belle et cruelle scène de distribution de pain à une foule compacte et totalement soumise aux dictats de la famine et d'un régime particulièrement totalitaire.
Agnieszka Holland filme avec beaucoup de finesse et d'élégance cette épopée qui emprunte parfois les codes du thriller politique et d'espionnage.
On louera le très beau travail du chef opérateur Tomasz Naumiuk qui met largement en valeur la campagne russe enneigée.
Bien documenté et précis, Agnieszka Holland signe également avec cette ombre de Staline un scénario intelligent, et assez érudit.
Le récit adresse en effet plusieurs clins d'oeil à "La Ferme des Animaux" de George Orwell, cette satire de la Révolution russe et une critique du régime soviétique sous Staline avec un fermier qui porte le nom de Mr.Jones.
Il nous renseigne également ( surtout?) sur cette tragédie méconnue et sur notre rapport complexe à l’information et à l’acceptation de la vérité.
Un très bon thriller à rattraper en vidéo car forcément bienvenu dans ces périodes de confinement et pénurie cinématographique..